Clavecin cordé en boyau
Augusto Bonza, 1999, d’après un anonyme napolitain du seizième siècle
Corder un clavecin en boyau, vers 1600, n’était pas une singularité. Bien au contraire, des évidences historiques et organologiques nombreuses nous démontrent à quel point cette pratique était alors répandue – et nous nous trouvons en présence d’une coïncidence esthétique éclatante.
Il est frappant de constater combien le clavecin tend à se retirer des productions les plus actuelles – et les plus pertinentes, les plus enthousiasmantes – de musique de cette période. Remplacé par des archiluths, des harpes ou des guitares, il sert désormais surtout de soutien rythmique aux moments les plus agités, en raison de son timbre brillant, nerveux, métallique, qui se mélange fort mal aux autres instruments.
Une telle tendance se heurte bien entendu à ce que nous savons des pratiques anciennes, où le clavecin se trouvait au centre de l’activité musicale. Que faire en outre de l’immense répertoire composé spécialement pour cet instrument, dont le contenu est en tout point apparenté à tout ce qui s’écrivait pour les voix, les consorts, les luths, mais dont le rendu semble devoir différer totalement, dès lors qu’il s’agit de musique jouée au clavecin ?
L’instrument cordé en boyau apporte à toutes ces difficultés une réponse si complète, si simple, si évidente, que notre surprise se déclare aussitôt : comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? ou plus exactement : pourquoi l’usage d’un tel clavecin n’est-il pas aujourd’hui plus répandu ? Sans doute trouvera-t-on des réponses pertinentes à ces questions en examinant les hasards qui conditionnent nos habitudes esthétiques, ou la succession de découvertes organologiques dont le progrès a permis peu à peu de comprendre, sous les couches presque indifférenciées des patines, quel a pu être l’état d’origine d’un instrument du 16e siècle, transformé plusieurs fois selon les variations des modes et des goûts.
Mais peu importe à présent : la reconstruction d’un magnifique clavecin du 16e siècle, cordé en boyau, nous permet désormais d’entreprendre des recherches musicales autrement stimulantes.
Nous avons choisi de copier un original napolitain des années 1530 : en raison de la pureté de ses lignes, de la beauté de ses bois, de la qualité de sa facture. Ce clavecin est un des plus anciens exemples d’un type d’instruments qui seront construits presque sans changement jusqu’au milieu du dix-septième siècle.